lundi 28 novembre 2011

Nous y voilà !

Paris, dimanche 27 novembre 2011
Temp extérieure 13 °C, temps couvert, pluies fines intermittentes, luminosité faiblarde...



Séance d'au revoir très émouvante avec les plus téméraires de mes amis lyonnais venus jusqu'à Paris pour une dernière accolade !
Une claque sur la fesse du cousin Antoine...
Des embrassades avec ma grand-mère Oudet.
Les dernières heures passées avec Anne, particulièrement poignantes...
Enfin, mon billet d'avion en poche et mes 55 kilos de bagages acceptés, je commence à m'éloigner un peu de la métropole en m'engouffrant dans le couloir du contrôle sécurité. Mes pieds sont lourds, j'aimerais me retourner encore une fois, faire encore un dernier adieu... Mais le flux de passager me pousse, tic tac, la voie synthétique ne faiblit pas, les annonces de départ s'enchaînent, tictac, les passagers avancent en file indienne, on enlève ses chaussures, sa ceinture, perd son passeport, discute fort, tactic, fait sonner le portillon, avance à tâtons. On est bien serré, alignés, 2 par 2, comme une belle colonie de manchots , comme une masse mouvante. Le périple a commencé. A rennes tout est stocké, rangé, trié, mis à jour, plus rien ne dépasse ; dans la soute, mes sacs ont pris place ; je n'ai plus sur moi qu'un passeport et un ticket, mon billet d'aéroport...et la peur au ventre, quand même un peu, d'un grand saut dans l'inconnu. Alors oui il faut y aller, il ne s'agit plus de tergiverser, il est trop tard pour reculer : j'assiste à un grand bouleversement, complet, de mon quotidien, sous mes propres yeux, stupéfaits ! Tout s'enchaîne ; file d'attente, voix annonante, embarquement immédiat, hall 53 A, tobbogans armés, décompte effectué, piste dégagée, on va pouvoir y aller !
10h30 de vol 9342 km 3 h de décalage horaire 15 °C d'écart : me voilà à St Denis
Tous mes sacs arrivent, y compris le kite surf, Johann, le médecin du Marion Dufresne depuis un an, m'attend comme prévu : tout est sur des roulettes . Luc, qui sera le guide TAAF des touristes sur la prochaine rotation, était aussi du voyage. Direction St Pierre, par la 4 voies, sur 80 km, avec tous nos sacs dans la petite voiture de Johann : c'est l 'occasion de découvrir la Réunion par la route : splendides vues sur le massif montagneux à l'intérieur de l'île, soleil éclatant, mer d'un bleu intense, qui moutonne gentiment ! C'est un beau spectacle, renforcé encore par les récits enthousiastes de Luc et Johann, à propos de leurs derniers périples respectifs à bord du Marion : le décor se met en place, les idées qu'on accumule avant le départ se matérialisent.
Puis grande journée où l'on prend ses marques : avec la ville de St Pierre, assez charmante, l'appartement de fonction, pas mal du tout !, tous les futurs collègues du siège des TAAF à St Pierre, très accueillants !
Puis en fin de journée, retrouvailles avec Johann (l'anesthésiste vannetais !! qui partage, et oui, le même prénom que mon prédécesseur !! pratique...) : c'est très rigolo de s'être quittés à l'automne en France le mois dernier, pour se retrouver en plein été austral sous les tropiques, à La Réunion...
Une journée bien chargée en somme...
Moi je vais me coucher.
La bise d'outre-mer !
Bien à vous.
Martin.

mercredi 16 novembre 2011

La médecine en terres australes

Pour mieux vous faire saisir les spécificités de la médecine isolée en terres australes voici un article très bien écrit par Anaïs, actuellement médecin sur le district d'Amsterdam ; cet article est issu du journal mensuel de cette base, "le mensuel du gorfou" ( mission en cours : 63è AMS ).
Cependant, mon rôle sera tout de même un peu différent, puisque je serai le médecin embarqué à bord du Marion-Dufresne ... mais des similitudes existent !

LE MENSUEL DU GORFOU octobre 2011
Les poursuivants de la mission 62 auront vu défiler 4 médecins différents : Sylvie, Jean-Maxime, Stéphane, et moi (et quand je dis différents, ils savent de quoi je parle). C’est 2 de plus que prévu. Pourquoi les TAAF ont-ils tant de mal à recruter ? Sur Amsterdam, les conditions de travail sont pourtant exceptionnelles : une consultation tous les 4 jours à salaire fixe. D’ailleurs, à quoi sert un médecin puisque personne n’est malade ? Avant de parcourir la fiche de poste non officielle du médecin, laissez-moi vous en lister les avantages: - Vous êtes chef de service, et ça épate les copains. - Vous êtes le chef de service d’un service composé d’une seule personne, vous-même, pas de conflit hiérarchique. - Vous êtes détenteur de l’unique baignoire de la base, dont vous marchandez librement l’utilisation. - Vous êtes détenteur d’une des rares connections au Web 24/24 et 7/7, pas d’attente au BCR, et c’est une autre source de marchandage. - Vous avez la clef des stupéfiants… dois-je réexpliquer le concept du marchandage ? - Vous êtes tout le temps de sécu, donc vous pouvez quitter la base quand bon vous semble. - Vous vivez sur votre lieu de travail, et sauf malade hospitalisé, vous n’êtes pas dérangé par les voisins. - Vous avez une grotte à votre nom, la grotte du bib. A côté de ces avantages, il existe quelques inconvénients bien sûr : - Vous devez tout faire dans l’hôpital, absolument TOUT



médecin, ménage, manutention, infirmière, stérilisation, poubelles, anesthésiste, inventaires, dentiste, aide-soignante, kinésithérapeute, biologiste (tel Fleming sur la photo ci-dessus), radiologue et manipulateur radio, psychologue voire psychiatre, dératiseur, chirurgien, négociateur, gestionnaire de gîte touristique ou gériatre selon les OP… - Si c’est mal fait, c’est forcément de votre faute. - Vous ne pouvez pas refuser un malade, ni l’orienter vers un collègue, ni l’ignorer à table. - Vous devez nettoyer l’unique baignoire de la base, en plus du reste de l’hôpital. - En tant que gestionnaire des stupéfiants, vous pouvez être soumis à d’énormes pressions. - Vous êtes tout le temps de sécu. - Vous vivez sur votre lieu de travail. - On a rebaptisé votre grotte, maintenant c’est le trou du bib. S’il faut 9 ans pour obtenir un simple diplôme de médecine générale, les TAAF considèrent que 3 mois suffisent pour appréhender tout le reste et plus encore. Pourtant si les médecins de base se forment pour faire de passables dentistes, des chirurgiens corrects et des anesthésistes non dangereux, ces compétences (qui cumuleraient en réalité 16 années d’études supplémentaires) représentent une part infime du rôle du médecin. Le médecin de base, en dehors de traiter la bobologie courante, c’est la porte toujours ouverte et l’épaule toujours disponible 24/7 sur le bip, la radio, le téléphone, ou le mail... C’est aussi la petite marie sans rotation de l’hôpital, afin qu’il soit toujours prêt à accueillir une urgence venue de la terre ou de la mer. C’est un fauteuil dans les réunions, pour se faire l’avocat du diable, la voix du peuple ou l’empêcheur de tourner en rond. C’est aussi la caution sécurité au travail de la base, pour que personne ne revienne avec un doigt en moins, ou un cancer en plus. Ça devrait être la caution diététique… mais j’ai rapidement abandonné ce défi ! Ça pourrait être la caution hygiène, mais je vous laisse encore le bénéfice du doute. Toutes ces casquettes peuvent effrayer un médecin habitué au cadre défini et confortable de la consultation (23 euros en 15 minutes), sans compter que ce type d’activité schizophrène est absolument illégale partout ailleurs en France (feu mon agent d’assurance a fait une crise d’épilepsie en lisant ma fiche de poste). C’est aussi pour toutes ces raisons que ce boulot est un des plus fantastiques qui soient, preuve qu’après 9 ans d’études, il reste encore des horizons de possibilités pour un petit médecin généraliste. C’est certain, à mon retour, j’irai prêcher la grande aventure des mers du sud aux bibs qui s’ignorent encore.  Les postes de médecins dans les Taaf sont parmi les plus polyvalents qui soient accessibles à un médecin généraliste en France. Jean-Max OP4/2010 - OP1/2011 Stéphane OP1/2011- OP2/2011 Anaïs OP2/2011 - OP3/2011 Sylvie OP3/2010