mercredi 25 avril 2012

OP1 EP5 : A la cape !



 Cabane de manip à Kerguelen
 Configuration naturelle des rochers, région de Laboureur, Kerguelen
 Quand je vous dis que ça souffle...
 Départ de Kerguelen
 En passerelle, le soir

 Glacier (calotte Cook), Kerguelen
 Glacier (Ampère), Kerguelen
 Cabane à Ratmanoff, Kerguelen


Vendredi soir, 22h05, dans l’intimité de la cabine de pilotage (timonerie ou passerelle), la nuit nous enveloppe. Il fait froid et les étoiles semblent faiblardes. Leur lueur timide franchit difficilement les nuages épais et rapides qui recouvrent sans cesse le ciel de Port-aux-Français. Nous sommes au mouillage à une centaine de mètres de la base de Kerguelen et l’officier de quart à la timonerie, Flavien, est concentré pour maintenir la position du bateau. En effet, l’approvisionnement en gasoil n’est toujours pas bouclé. Les marins s’activent depuis 6 h ce matin pour terminer dans les temps les opérations logistiques. L’hélicoptère a volé plus de sept heures ce jour et Pascal, le pilote, accuse le coup. Les hommes du pont ont gruté depuis le petit matin pour charger le chaland d’immenses containers de ravitaillement. Les Bosco en zodiac ont dévidé plusieurs centaines de mètres de manche à gasoil pour ravitailler la base qui sert aussi de station-service aux bateaux de pêche. Le soleil s’est depuis longtemps retiré de la partie ce soir, mais les marins font du rab’ ! Car il faut avoir fini demain et ainsi appareiller dans les temps pour Amsterdam. Mais pour le moment, concentration sur la fin de la manœuvre de livraison de gasoil. Déjà 500 m3 ont été transférés…encore une trentaine et tout le monde pourra aller se coucher, enfin ! Je suis chargé de diriger un énorme projecteur, depuis la timonerie, pour suivre les petites bouées orange qui matérialisent la manche à pétrole qu’on est en train de ramener sur la table arrière du bateau. Pour cela un gros enrouleur tourne lentement sous le contrôle attentif des marins. Il a fallu auparavant assurer une purge parfaite de cette conduite souple pour ensuite pouvoir la déconnecter de la cuve à terre. On envoie donc de grandes quantités d’air depuis le bateau puis on attend le signal de purge complète. Une fuite de gasoil dans la baie du Morbihan ne serait en effet pas de très bon goût en plein cœur de cette nature sauvage et préservée. Flavien m’explique chaque étape de cette périlleuse opération. Encore 30 minutes et la manche a regagné le bord. Grésillements de talkie-walkie…Le 2nd capitaine remercie les gens à terre pour leur coopération et félicite tout le monde du bon déroulement de cette livraison. Les projecteurs s’éteignent un à un…Fin du spectacle. Les héros du soir rentrent discrètement dans leurs cabines, le visage marqué, les combinaisons luisantes d’essence et les yeux déjà embués. Pas beaucoup de spectateur pour saluer la représentation pourtant fort bien menée. Juste l’éclat froid de la lune et le clapot des vagues en guise de remerciement. Métier ingrat. Les hivernants, quant à eux, doivent faire la fête au même moment, insouciants. Les marins viennent pourtant de leur assurer un hiver au chaud.

Quant à moi, le petit cours du soir par Flavien continue : fonctionnement des 3 moteurs, paramètres du pilote automatique, gestion du DPS qui permet de contrôler la position du bateau en particulier pour assurer un sur-place parfait, même en cas de vent fort, irrégulier ou de houle puissante. Deux arbres indépendants font tourner deux hélices, suivies de deux safrans pilotés aussi par ordinateur. Le pas de chaque hélice s’ajuste en permanence, en marche avant ou marche arrière, de manière très souple grâce à l’ingénieux moteur hybride (thermique et électrique). Un propulseur avant complète l’appareil directionnel : une hélice insérée au milieu de la largeur de la coque avant permet de chasser l’eau vers tribord ou bâbord et fait ainsi pivoter plus rapidement le navire. Après ces explications précises, Flavien décide de reprendre quelques instants le pilotage manuel…alors je tente ma chance…et lui demande si je peux essayer de manœuvrer l’engin… et me voici à la barre du Marion-Dufresne ! Un propulseur dans chaque main, j’essaie d’ajuster la puissance des deux hélices d’arrière pour faire tourner le bateau sur lui-même. Je sens alors cette grande structure pivoter tout doucement, docilement. C’est magique ! Nous faisons maintenant un peu trop de travers à la houle alors direction le poste d’équilibrage : un écran où sont schématisés les différents circuits entre tous les ballasts d’eau, ainsi que le niveau de toutes les cuves de gasoil : en quelques clics on peut alors déplacer très rapidement plusieurs tonnes d’eau d’un bord à l’autre, permettant ainsi d’équilibrer l’assiette. Hop ! Dix tonnes passent à bâbord et annulent alors la gîte.  Incroyable !
L’ambiance de la passerelle le soir est très agréable. Les lumières, rouges, sont tamisées. Il n’y a aucun bruit car on est assez loin des moteurs. La surface vitrée est immense et nous permet de voir presque tout autour du bateau. Il y a même une zone du plancher avec des dalles en verre pour bien voir à la verticale du bord de la coque (pratique pour les manœuvres au port). Toutes les VHF convergent vers la timonerie permettant de tout savoir, en direct, des activités dans les différentes zones du bateau ou même à terre. De même, toutes les infos relatives aux vents, à la météo, à la navigation (position, cap, prévisions de route…) s’affichent en permanence sur autant de petits écrans aux chiffres rouges, eux aussi. Pendant l’escale à Kerguelen, on trouve aussi, dans un coin, une petite liste intitulée « aurores ». C’est là qu’il faut s’inscrire si on veut être réveillé par le marin de quart en cas d’aurore australe ! L’officier de quart branche souvent sa musique, en arrière-fond, renforçant encore l’atmosphère apaisante de ce lieu. Après 21 heures, il n’y a presque jamais d’autre personne que le timonier. On a souvent des discussions beaucoup plus personnelles alors, dans l’intimité de ce lieu paisible. 

Encore quelques heures à Kerguelen, le temps d’embarquer les campagnards d’été qui ont fini leur mission (le bord est maintenant bien rempli), et on lève l’ancre pour St Paul et Amsterdam. La rumeur circule rapidement que les conditions de mer vont être très musclées. Les nouveaux venus n’en mènent pas large. Ils accusent déjà le coup, car les fêtes de départ sont souvent très réussies : il leur faut donc gérer le manque de sommeil, la gueule de bois, le cafard de voir leur île et leurs copains s’éloigner dans le sillage et en plus un vent et une houle menaçants. Après une heure de navigation tranquille dans la baie du Morbihan, on remonte la côte Est qui nous protège de la houle du large. Mais ensuite, la mer reprend ses droits : vent à 50 nœuds, creux de 6 mètres…le bateau semble sauter d’une vague à l’autre. Les conditions vont encore s’empirer dans la nuit. Dans un demi-sommeil, j’entends un sacré vacarme venant du bout de ma coursive. C’est là que se trouve la cuisine : le bruit ressemble à des morceaux de verre, qui traversent le sol carrelé au rythme de la houle de gauche à droite ! Un peu après, c’est un bruit sourd qui me réveille franchement cette fois-ci ! Venant de l’hôpital…La très lourde valise métallique qui contient mon canon à rayons X a glissé à travers la salle d’examen, malgré ses 50 kilos ! Elle a fini sa course contre la cloison du fond, sans rien endommager ! Je l’arrime avec une grosse corde et tente de me recoucher…quand « Badaboum ! » Ah, je crois que c’est tout près maintenant. Ce bruit est celui du bloc de tiroirs, pleins de dossiers médicaux, qui a été éjecté du bureau, sortant de ses rails ! Incroyable !
Le spectacle ce dimanche matin, pour ceux qui sont sortis de leurs lits est incroyable : agrippés aux barres, en passerelle, on voit des vagues de 10 mètres déferler et passer par-dessus le pont avant, atteignant même le château parfois. Le bateau gigote sur cette mer démontée comme un petit bouchon de liège. Le commandant décide rapidement de se mettre à la cape : c’est à dire, le nez du bateau au vent, et les moteurs au ralenti. On ne fait alors plus que du surplace, bien dans l’axe de la houle, pour pouvoir épauler au mieux les grosses vagues. On restera dans cette position toute la journée…Certains passagers ne quittent plus leur cabine. Je fais donc mes petites consultations en mode visite à domicile, armé du plan de cabinage du bateau.

La suite des opérations change donc un peu et il est prévu de sauter l’étape St Paul.
Les prévisions météo semblent néanmoins favorables (ou bien le commandant est un malin et soigne le moral des troupes !) et on doit reprendre une marche normale ce soir. Malgré tout, en ce moment même  (18h25), les vagues continuent de venir lécher mes hublots, faisant de très beaux effets bleutés dans toute la cabine, située pourtant au pont D (il y a 3 niveaux encore sous mes pieds).

« Toc, toc, toc ! » fait ma porte. Je dois vous laisser. Il faut que j’aille coller des patchs (anti-nauséeux) derrière les oreilles de mes camarades !

vendredi 20 avril 2012

OP1 EP4 : Survoler les orques !


 Vendredi après-midi. Appel général sur les haut-parleurs du bateau… : « Brrshpttt…Martin est demandé en passerelle…je répète…Martin est demandé en passerelle…chpprtt ».
OK, ils ont bien dit Martin…euh, pas d’autre Martin à bord, donc c’est de moi dont il s’agit…Très bien, pas de panique, retrouver mes chaussures, peut-être sous les BD dévorées cet après-midi, …non, la houle les aurait fait glisser…ah, et mettre un pantalon, c’est quand même plus présentable…euh, passer par la pharmacie pour avoir une trousse de secours…ont pas précisé à la radio…bon, y aller comme ça…ah, oui, ma deuxième chaussure…
Pas facile d’être réveillé en pleine sieste, surtout après cette énorme entrecôte saignante et ces deux éclairs au chocolat…note pour plus tard : pas plus d’un éclair.
Escaliers 4 à 4, j’arrive en passerelle (poste de pilotage), c’est Matilda, la guide des touristes, qui veut me voir, mais ne semble pas si pressée que ça puisqu’elle finit tranquillement sa conversation avec Patrice, l’OPEA ; je reste stupéfait, interdit. Estelle, le second capitaine, voit mon étonnement (un appel général d’un côté, procédure pas si fréquente ; pas d’urgence évidente de l’autre…). Matilda me repère enfin, et m’explique, très calmement, qu’un touriste s’est fait mal au mollet pendant la randonnée sur Crozet et nécessite donc un examen. Merci pour l’ascenseur émotionnel !

Direction le pont F, et la cabine du blessé, qui nous ouvre (à Matilda et moi) dans une sémillante tenue sans doute très à la mode dans les années trente : maillot de corps trop long, glissé dans un slip kangourou immense, aux tons blancs assortis. C’est un touriste néerlandais de 80 ans, baroudeur infatigable, qui a visité de long en large les régions polaires et vient nous ouvrir, le sourire aux lèvres ! Le traumatisme ne doit pas être trop grave à première vue. Matilda nous laisse et j’examine le mollet blessé que Monsieur K me présente dans un mouvement délié, d’une souplesse étonnante ; je le rassure, m’occupe de ce mollet, nous discutons quelques minutes et je retrouve ma tanière, tranquillement. L’urgence était relative.
Cette position de médecin embarqué ressemble un peu à une très grande garde, heureusement très calme en général. Mais on se doit alors d’être toujours opérationnel et donc préparé au pire, alors quand une annonce survient on s’attend forcément au pire car on s’en est persuadé depuis le temps ! Heureusement, le pire est rare. Cependant, la différence avec une garde c’est qu’on est ici vraiment tout seul. Aucun collègue pour relativiser, parler des patients, prendre un peu de recul. Il faut donc effectuer ce petit travail de relaxation de son côté. Rester souple et serein dans l’attente. Concentré mais décontracté. Comme un sportif, quoi. Cet  équilibre se trouve assez facilement car à bord il y a mille petites choses à faire, plein de gens très chouettes à rencontrer, plein d’occasions de tailler une bavette au bar, au café, au sport…bref de penser à autre chose.

Et de belles escales sur les îles ! Je me réveille samedi matin et m’apprête à  aller passer une deuxième journée à Crozet. La chance nous sourit, le temps est radieux : peu de vent, un grand soleil, un air froid et assez sec. J’enfile polaires, gants et bonnets, j’attrape mon appareil photo et me voici dans l’hélico. A l’arrivée sur l’île, Philippe, le BibCro, m’enjoins de ne pas traîner pour me rendre à l’hôpital car il y a deux problèmes urgents à régler, puis il disparaît dans l’hélico au milieu des bourrasques soulevées par le hurlement des pâles. Bon, finalement, cette journée de détente ne s’annonce pas si calme.
Je passe donc une partie de la matinée entre le bureau de Philippe, avec les collègues de Kerguelen au téléphone puis avec le cuisto de Crozet, qui vient de recevoir des nouvelles de métropole difficiles à digérer. Les émotions ce matin se succèdent sans se ressembler ; d’un moment à l’autre, me voici frétillant à l’idée d’aller respirer profondément l’air frais de Crozet, émerveillé par le spectacle d’une nature foisonnante, puis au chevet d’un collègue de mission, tétanisé par la tristesse. Matinée étrange… Le soleil est radieux mais semble nous adresser un clin d’œil d’impuissance comme s’il avait fait son maximum pour réchauffer les cœurs, sans succès. Parfois, pas grand-chose ne peut atténuer la douleur d’un grand gaillard, sensible et concerné, mais désarmé, isolé, culpabilisé d’être trop loin des siens pour les aider. Bon mon grand gaillard se ressaisit un peu, retourne à ses fourneaux, sèche une larme, et s’attaque aux oignons. Hum, mauvais choix.

De mon côté, c’est l’occasion ou jamais d’aller enfin découvrir le Bollart. J’essaie de retrouver le petit sentier qui quitte la base pour rejoindre le Bollart, donc, une minuscule bande herbeuse qui serpente entre les nids d’albatros, à flanc de falaise. La pente est marquée, les herbes hautes et trempées, il faut éviter les souilles, gros trous remplis de boue. Des caillebotis ont été installés par endroit, rendant la marche un peu moins périlleuse. J’aurais dû prendre des bottes... Le soleil est toujours vaillant, malgré les groupes de nuages qui filent à grand vitesse dans le ciel. Le vent forcit tranquillement. Les oiseaux sont nombreux ; les manchots, en contre-bas, sont des dizaines de milliers et leurs piaillements permanents fait partie du paysage. Ils forment un tapis noir et blanc, en mouvement permanent, comme animé d’une houle par moment, résultat de l’attaque d’un pétrel géant ou autre oiseau carnassier, qui fend la manchotière en deux quand il est en chasse d’un oisillon dodu. Son vol lugubre anime la masse compacte des manchots de grands tremblements de panique. Il a une allure de vautour ce gros animal volant. Au sol, il parcourt par petits bonds les zones où sont rassemblés les poussins (les « crèches ») étendant son long cou pour tenter d’attraper un oisillon. Le spectacle d’une nature sauvage est partout. Sur notre sentier, c’est beaucoup plus calme, les albatros, immenses, couvent tranquillement leurs nids géants. Les yeux mi-clos, rien ne pourrait les déranger, pas même les groupes de touristes aux flashs crépitants. Il paraît poser, comme une vedette sûre de ses atouts.
Plus loin, au large, on voit la silhouette du Marion, manœuvrant pour mettre en place la manche à gasoil. L’opération est délicate : il faut dérouler la manche dont l’extrémité libre est tenue par un marin à bord d’un zodiac, jusqu’à la connexion à terre, qui va permettre de ravitailler la base pour l’hiver. La manche devra donc flotter dans la baie du Marin, sur 400 mètres environ, et le bateau ajuster en permanence sa position pour s’adapter aux mouvements des vents et courants, menaçants de mettre la manche sous tension et de la rompre. Le commandant, qui nous accompagne ce matin, semble inquiet. Il scrute la baie, et explique à un de ses lieutenants que la position est critique, car la manche est en train de s’enrouler autour du bateau, menaçant de passer dans l’hélice. Pourtant, d’où il se trouve, il ne peut rien faire et doit donc compter sur la réactivité et l’ingéniosité du 2nd capitaine. Les touristes continuent de leur côté leur balade, nonchalamment, le nez au vent. Simultanément, le Marion effectue une lente rotation sur lui-même, pour défaire la boucle qui le menace. Tout doucement, car la grande longueur de manche déroulée provoque une tension considérable. Il faudra presque une heure et tout le doigté du pilote pour défaire ce piège et assurer la suite de la distribution de gasoil. Ouf… le commandant peut reprendre sa promenade.
On descend avec lui à la grande manchotière et nous promenons quelques minutes au milieu de tous ces animaux. Moment toujours magique.













2 heures plus tard, et le ventre rempli de saumons et de légines, nous revoilà sur la DZ de Crozet pour le départ définitif et la fin de l’escale. Toute la mission est rassemblée pour saluer les partants. Le cœur lourd, les campagnards d’été profitent encore quelques minutes de leur île, avant de la quitter, définitivement pour la plupart. Les embrassades durent, les derniers mots sont suivis d’autres derniers mots, mais bientôt le DisCro sonne le départ. Je complète le premier hélico. Le vol doit durer 30 secondes à peine, pour rejoindre le Marion. Mais là, incroyable hasard, le pilote vient d’apercevoir 3 orques faisant surface dans la baie du marin et il change donc instantanément de cap pour survoler ces 3 grosses tâches sombres. Un piqué permet de s’en rapprocher et simultanément les 3 orques font à nouveau surface pour respirer. Le moment est magique, on se regarde du coin de l’œil pour être sûr de ne pas rêver ! 2 secondes surréalistes où l’on croirait accompagner ces gros mammifères dans leur nage gracieuse et lente. On voudrait pouvoir les suivre encore mais Pascal a déjà orienter  le nez de l’hélico vers le pont arrière. Je ne sais pas si mes copains à bord me croiront !

Dimanche matin. La journée commençait pourtant bien : j’avais en effet réussi à rattraper à l’aveuglette la savonnette sous la douche. Elle m’avait échappé dans le dos, et en tendant la main au-dessus des fesses et en ouvrant la paume vers le haut, hop, le savon y a atterri par magie ! De bons augures pour la suite … ? Pas du tout : aujourd’hui je ne vais sortir de l’hôpital que pour manger ! Le dimanche les marins font relâche et en profitent pour se soigner s’il le faut. Il le faut manifestement ! Attelles, strapping, entorses, gonflements articulaires, lumbago, goutte, boiteries, boutons, abcès, incisions, méchage, … la vie du marin est rude ! Un problème de gastro-entérologie m’amène aussi à déclencher la procédure de télémédecine…Conversations toujours surréalistes avec la standardiste de l’hôpital à St Pierre : « - Pardon, je ne comprends pas bien, ça coupe… - grchhh…-Vous appelez d’où ? – De Kerguelen. – Où ça ? C’est vers St Gilles ? Qui êtes-vous ? Dr Moulet ?...J’essaie de vous le passer, oui…Ah, il ne répond pas, bon essayez plus tard… ! Ou sinon envoyez votre patiente aux urgences, le Dr Machin l’a verra ! ». Pas si facile la télémédecine !

« 2ème service du déjeuner, je répète, 2ème service du déjeuner. » Quoi ? Déjà midi et quart ? Bon, alors je vous laisse !

OP1 EP3 Quand les sirènes ont des plumes.



Prêt à décoller ! DZ du bateau, pont arrière

Le Bollart, CROZET


Grand albatros

Le Bollart


La grande manchotière, CROZET

4 individus : 3 éléphants de mer et un membre de l'IGN...saurez vous les retrouver ?

 Grande manchotière

« Terre ! Terre ! ». La rumeur circule à toute allure à travers le bateau, des machines au pont I, de la passerelle aux cuisines…elle arrive jusqu’à moi, dans un souffle d’excitation collective. Après une volée de marche, me voici à la timonerie pour découvrir le spectacle bien réel de l’archipel de Crozet qui enfin se dévoile. Après 5 jours complets de navigation très toniques, la récompense est à la hauteur de la force des vagues qui nous ballotaient depuis 2 jours ! Grandiose…En effet, pour la première fois, je découvre les côtes de l’île de La Possession sous un soleil froid mais vaillant, sans nuage, et entourée d’une mer turquoise, houleuse, blanchie par les crêtes des vagues qui déferlent sous l’action d’un vent soutenu (40 à 50 Nds) ! Les passagers sont ébahis, figés par l’émerveillement d’une terre aussi sauvage, aussi isolée. Ces abords rocheux, vertigineux, plongent à pic dans l’océan. Les montagnes qu’on distingue au  loin sont plâtrées de neige et semblent se dresser comme les remparts d’une citadelle inviolable et ignorée des hommes. On a d’ailleurs peine à croire que ces terres soient habitées. Pourtant en regardant plus attentivement, la vie s’y déploie dans un foisonnement surprenant. Malgré un climat particulièrement hostile (température moyenne de 5°C en hiver, vents > 50 Nds habituellement, averses de neige fréquentes…), on peut distinguer des animaux tout autour de nous et sur les berges : albatros, skuas, pétrels, cormorans, manchots royaux (qui semblent fêter l’arrivée du bateau par de vraies chorégraphies à la proue du bateau, enchaînant les sauts et les virages rapides, s’arrêtant parfois pour faire la planche en agitant les ailerons comme s’ils nous saluaient), manchots papous, éléphants de mer, orques (très souvent vus à Crozet) ! On voit d’ailleurs aux jumelles d’immenses colonies de manchots sur les rares plages de Crozet, ainsi qu’une myriade de petites taches blanches venant éclaircir les falaises sombres, qui sont autant de nids d’albatros. Il est très rare de bénéficier de conditions météo aussi favorables à cette période à Crozet ! On se dit que ça valait le coup d’endurer tous ces coups de gîte, ces 2 nuits sans sommeil, animées par les bruits un peu menaçants de la coque du navire grinçant sous les coups des vagues !

Le bateau fait donc un premier passage par pointe basse, tout au nord de l’île, située à l’opposé de la base Alfred Faure. Une opération logistique doit en effet avoir lieu pour déposer dans un refuge des réserves de gaz et des matériaux de réparation. Ensuite, cap au sud, on longe la côte Est, profitant ainsi d’une enfilade de paysages étonnants : cap vertical, baie de la Hebé, cap de l’Antarès, baie américaine, et enfin la baie du Marin où se niche la base. Cette descente de l’île nous fait apercevoir une succession de petites criques, ourlées de parois rocheuses sombres et menaçantes, déchiquetées, parfois même surmontées de formations minérales feuilletées dessinant des crénelures, des mâchicoulis. On croirait même distinguer  des empilements rocheux faisant évoquer des vertèbres de dinosaures, bien alignées, comme si les monstres du Cétacée s’étaient éteints allongés sur la crête de ces montagnes. 

Grande manchotière

 Orques à Crozet

L’arrivée à la baie du Marin sera moins impressionnante car un épais brouillard nous masque alors un peu la vue. Il s’agit maintenant de débuter rapidement les premières rotations hélico pour les passagers qui iront dormir sur base. Pour les autres passagers , ça sera encore une nuit en mer, toujours agitée, à quelques centaines de mètres seulement de la base, qui parait si accueillante dans son halo lumineux au cœur de la nuit noire et glacée.
Le lendemain (hier), le reste des passagers grimpe dans l’hélico, vaillant malgré 45 Nds de vent, pour enfin rejoindre l’île. J’ai alors quelques minutes pour étreindre Philippe, le BibCro et discuter avec lui de certains problèmes logistiques. L’entrevue est toujours trop brève, et je laisse Philippe et sa splendide barbe rousse (3 mois de pousse !), pour aller le remplacer sur la base où il faut toujours un médecin (comme sur le Marion). Arrivée sur la DZ et accolades avec les hivernants que je connais déjà (car la plupart sont venus lors d’OP3 ou OP4), on prend des nouvelles, on se montre des photos…mais très vite les impératifs du boulot reprennent pour chacun : réception des marchandises héliportées sur la DZ, accueil des nouveaux hivernants ou des touristes, préparation du buffet pantagruélique, dépotage des caisses…tout ça au milieu des bourrasques (jusqu’à 66 Nds hier) et de la pluie qui cingle le visage ! Je me réfugie dans l’hôpital, douillet et bien chauffé, équipé, comme les autres bâtiments, d’un petit sas d’entrée pour enlever les bottes et grosses vestes de pluie et glisser dans des chassons confortables ! Quelques minutes pour aller sur internet et aller examiner les différents problèmes soulevés par Philippe et je file à l’apéro ! Moment toujours très convivial et animé avec 70 personnes qui se tiennent chaud dans le bâtiment VieCom (pour vie commune). On passe ensuite au buffet, toujours hallucinant : saumon, carpaccio de légines, jambon fumé, fromages à gogo, vin rouge, et farandoles de dessert ! Je ne dois cependant pas trop m’attarder car il faut ensuite aller faire le tour du réseau de distribution d’eau afin de réaliser des prélèvements pour analyser la potabilité au laboratoire de St Denis.
Je me fais accompagner de Bruno, le technicien Chaud-Froid à travers les bâtiments de la base, et au cœur de la tempête car le vent et la pluie ont encore forci ! Après 50 mètres à pied, nous sommes trempés comme après un bain tout habillé !
Une fois ma mission effectuée, je retrouve un petit groupe de copain (Sylvain et Alizée de la RésNat, Thomas, de l’IGN) pour tenter une sortie jusqu’à la manchotière : on s’équipe en conséquence : surpantalon de pluie, bottes, veste gore tex, bonnets, gants, talkie-walkie, masque de ski pour certains ! Il faut lutter contre le vent, face à nous, et chaque pas est un effort important pour ne pas reculer ; le vent forcit encore et je dois rebrousser chemin car je n’arrive même plus à entendre mon Talkie et dois pourtant être disponible en cas d’accident sur base (risques liés au déchargement des caisses, à la mise en place de relais télécom…). Je laisse donc mes 3 compagnons à leur aventure et retourne à l’hôpital de la base.
La rumeur y circule qu’un retour en hélico semble impossible et que la mer, agitée, ne permettrait pas non plus de retourner sur le Marion pour la nuit ! Le DisCro commence à mobiliser ses troupes pour organiser un campement de fortune pour 25 personnes inattendues, dont la moyenne d’âge frise les 60 ans (il s’agit essentiellement des touristes, qui sont quasi tous des retraités sur cette OP). Le problème des traitements médicamenteux de ces gens se pose aussi car ils ne les ont pas pris pensant revenir au bateau… On commence à réfléchir à tous ces petits problèmes sérieusement car il est déjà 17 h et le soleil décline rapidement restreignant encore les possibilités de retour ! 30 minutes passent encore nous obligeant alors à nous résigner à une nuit sur base, quand enfin les nuages se dissipent, laissant même apercevoir le soleil ; simultanément le vent faiblit et on entend alors les radios cracher «pour la base… du Marion Dufresne… on ressort l’hélico…tout le monde prêt sur la DZ dans 10 min ». Branle-bas de combat, tout le monde enfile à nouveau tout son équipement, lourd d’humidité, rassemble ses affaires et se dirige en vitesse vers la DZ. Les rotations hélico s’enchaînent alors très vite, permettant de ramener les 25 personnes et quelques sur le bateau en 15 minutes à peine, juste au moment où le soleil disparaît à l’horizon ! Ouf,…personne n’a été oublié ! On a juste le temps pour une petite douche et c’est l’heure du dîner ! Belle synchronisation.

Aujourd’hui, je reste à bord et profite d’une grande journée très tranquille, sur un bateau presque vide, mais où ma présence est pourtant obligatoire (opérations de déchargement toujours risquées).
Je savoure le point de vue sur l’île, depuis ma cabine. J’ai d’ailleurs, enfin, réussi à dévisser la fenêtre de mes hublots et profite de l’air frais de ce matin ensoleillé pour me réveiller et aérer ma cabine.
Sous mes yeux, c’est le spectacle permanent des manchots qui font des ronds dans l’eau à toute vitesse, des sauts, des accélérations, et sortent parfois la tête de l’eau pour observer tout autour d’eux ! Plus au large, l’île de La Possession est éclairée par un beau soleil d’automne, soulignant ses reliefs tourmentés, ses plateaux herbeux, ses plages de rochers noirs, ses falaises claires et ses cascades !

Ah ! J’entends déjà l’appel du cuisinier, il doit être 12h15.
La bise,

mardi 17 avril 2012

OP1 EP2 Les 40èmes sont vraiment rugissants !

Message du commandant : « pour tous les passagers, merci d’arrimer solidement vos affaires personnelles dans vos cabines. »
Le ton est donné ce matin sur le bateau. Nous avons en effet dépassé le 40è parallèle sud cette nuit vers 2h et depuis, l’océan nous fait une petite démonstration de puissance. On comprend très bien qu’ici ce n’est plus vraiment le domaine des hommes. La nature a les pleins pouvoirs et en use allègrement. Très brutalement le vent a tourné et forcit atteignant ce matin 45 nœuds, la mer s’est creusée, a blanchi, et à présent notre fière embarcation, malgré ses 120 mètres de long, est ballotée d’une vague à l’autre. On essaie de s’adapter à bord : le commandant modifie le cap, chacun installe les contre-hublots dans sa cabine, on harnache nos affaires, les bloque au fond des tiroirs, placards ; on installe des baguettes transversales en bois devant les rayonnages des étagères pour empêcher la chute des livres. Ce matin, j’ai été réveillé par la dégringolade de la plupart des affaires dans ma cabine, et par un fracas plus fort encore venant de l’hôpital où la totalité des cartons renfermant les commandes médicales des bases avait glissé en travers de la salle d’examen, bloquant l’ouverture de la porte. J’ai donc récupéré des boots en machine pour ligoter tout ça fermement entre la potence de l’appareil de radio et l’armoire métallique de chirurgie. Je crois que ça tient !
Au restaurant du bord, plus de verre à pied, par contre, tapis antidérapants partout ! Le pont extérieur est aussi fermé aux passagers. Bref, on arrive dans le grand sud, habituellement plus menaçant au mois de mars avril qu’en plein été austral comme lors des dernières rotations !
Paradoxalement, la majorité des passagers avait le sourire ce matin, comme s’ils étaient ravis de découvrir enfin la brutalité sauvage de la mer, qu’on avait dû tant leur vanter avant leur départ. C’est vrai qu’à bord, on a tous embarqué un peu aussi pour se frotter à la légende des mers du sud ! On est servi !
Déjà depuis hier, notre environnement avait un peu changé : le fond de l’air s’était rafraîchi, les oiseaux avaient fait leur apparition, on avait même vu des baleines après le déjeuner, s’apprêtant à sonder une centaine de mètres à l’arrière du bateau.
Et aujourd’hui, nous avons droit à un fabuleux tête à tête avec l’océan, à un spectacle grandiose où l’on se fait tout petit pour assister à ce déchaînement qui nous dépasse et nous fascine. Cette soudaine matérialisation de l’hostilité de ces mers vient rompre la monotonie du transit, le confort de la croisière et nous rappelle les enjeux de notre mission : ravitailler les hommes qui vivent sous ces latitudes, rapatrier les malades et ceux en fin de mission, renouveler les équipes des bases, amener la preuve incarnée qu’ils ne sont pas seuls au monde, qu’ils comptent, leur transmettre leur courrier, leur donner des nouvelles de la Réunion et de la métropole.
C’est aujourd’hui notre dernier jour de mer avant Crozet, et il nous tarde tous de découvrir enfin à l’horizon les reliefs de la première des îles subantarctiques que nous visitons. Voir enfin le ciel se barrer d’un obstacle, un obstacle habité en plus ! Faire route vers d’autres hommes perdus dans cette immensité inhospitalière !
De mon côté, il faut que le travail avance tout de même, donc j’organise cet après-midi les formations aux premiers secours…tant bien que mal ! On essaiera de masser le mannequin sans trop se blesser ni se faire propulser contre les cloisons des coursives ! Ou sinon l’exercice aura rapidement un caractère très réaliste…
Bon, je crois que ce petit billet va s’arrêter là, car j’entends des colis qui glissent dans la réserve de l’hôpital, il va falloir renforcer les boots !

 Arrivée sur CROZET par Pointe Basse
 Idem
 Aussi
 Encore
 Table à carte, à la passerelle
 Crozet, île de la Possession
 Grand albatros.

 Ile de la Possession

OP1 EP1 L’écoulement suave du temps qui glisse

Coucou les petits amis ! Voici le premier mail d’une nouvelle série…celle qui retracera  notre route pour la première OP de l’année : OP1 !

 Sortie du PORT, à la REUNION.
 Idem.

Nous sommes partis depuis mercredi soir 17 h. Les amarres ont été larguées à l’heure, tout le monde étant sagement installé à bord. Hormis un petit accident de parcours avec la commande en provenance de l’hôpital, tous les préparatifs se sont bien déroulés. En effet, alors que j’étais tranquillement en train de prendre mes quartiers dans ma cabine, 2h et des poussières avant le départ prévu, je reçois un coup de fil de l’hôpital de St Pierre me prévenant que j’avais laissé (enfin qu’ils avaient oublié de me transmettre) le carton contenant tous les stupéfiants (morphine, kétamine,…), des médicaments indispensables à bord ! Ne cédant pas à la panique, car l’idée de repousser le départ m’effleure alors, je contacte mes copains internes de l’hôpital, car seul un médecin peut réceptionner ce type de produits ! Et là, grâce à un petit miracle, Clélia semble dispo pour assurer cette mission de sauvetage : pas d’entrée dans son service cet après-midi, un chef conciliant (et surpris d’une telle situation), une voiture sous la main, et toute sa bonne volonté ! C’est parti! Une petite heure de route plus tard, voici Clélia et les stupéfiants qui arrivent à bord, ravis de cette bonne fortune : ils trouveront respectivement le temps de faire une visite personnalisée du bateau et une place dans le coffre-fort de la pharmacie ! Clélia, finalement heureuse de l’aventure, serait bien restée à bord je crois !

Les lieutenants « extérieur » se chargent de désengager la rampe d’accès, les moteurs s’élancent, la capitainerie donne son autorisation, et en quelques secondes, le bord du quai commence à s’éloigner, sous les mouchoirs blancs agités par les familles et amis ! Le Marion semble se réveiller doucement après 4 jours à quai ; il s’étire, s’ébroue et donne un petit coup de rein pour se dégager du port Est. Les gens sur le quai disparaissent déjà, la corne de brume fait résonner dans l’air de cette fin de journée ses élans graves et répétés. Le bateau de la capitainerie récupère le pilote qui a supervisé la manœuvre de départ. 

Arrivée à bord, par la pilotine, du pilote, qui supervisera la manœuvre de sortie du port.

Nous commençons à longer un peu paresseusement la côte réunionnaise par tribord, salués magnifiquement par un arc en ciel qui semble avoir attendu notre embarquement pour se déployer au-dessus du Marion ! Féérique ! Mais au fait, pourquoi laissons-nous l’île sur notre droite ? Par tribord ? Bizarrerie ? Erreur du commandant ? Inversion des pôles ? En effet, on s’interroge un peu à bord, car logiquement on devrait mettre le cap au sud et laisser donc La Réunion sur notre gauche (Le Port se trouve à la pointe Nord-Ouest de l’île). Après quelques tergiversations, la solution à ce problème de cap est évidente ! Car notre première escale sur cette rotation n’est pas Crozet comme habituellement mais Maurice, il faut donc faire route au Nord-Est ! On va en effet avoir droit à une escale ensoleillée et bucolique alors même que nous n’avons pas souffert encore une seconde de la rigueur du climat subantarctique !

 Ainsi, après une courte nuit de mer, et la découverte progressive de nos nouveaux compagnons de route, nous abordons Port-Louis jeudi matin et mettons pied à terre à midi après les longues formalités douanières.

Arrivée à Port-Louis.
Port-Louis.

Alignement de bateaux de pêche asiatiques, où les conditions de vie à bord semblent bien rudes !

 L’escale va permettre de charger une grue pour Amsterdam et son petit port, de faire les pleins d’essence et d’eau douce, et de nous dégourdir un peu les pattes. Nous partons donc à l’aventure dans les rues animées de Port-Louis, avec Sylvain (collègue à St Pierre aux TAAF, réserve naturelle) et Thomas, nouvel embarquant, jeune ingénieur de l’IGN qui va installer une station satellite à Kerguelen. L’idée initiale est de louer une voiture pour se promener dans le sud de l’île (Port Louis est dans le quart Nord-Ouest) en direction du grand Morne, site magnifique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO ! Nous avons en effet la permission de 23h30, nous laissant assez de marge pour cette escapade ! En fait, ce projet est loin d’être évident car il n’y a aucune agence de location dans cette ville, celle-ci étant finalement très peu touristique ! Il nous faudra presque 4 h et un passage dans un hôtel de luxe pour dégotter la bagnole ! 

Notre loueur de voiture !

Encore un peu de patience...
Le Marion depuis le hall du grand hôtel !

 Et quelle voiture ! Une Mercedes Kompressor SL je crois (si ça existe) ambiance voiture d’ambassadeur ; car le parc auto de cet hôtel est du plus grand standing ! Me voici donc au volant de ce palace roulant, situation surréaliste, dans la banlieue assez défavorisée de Port-Louis, au milieu d’une circulation très dense et se faisant à gauche (volant à droite, donc !). Bien sûr aucun de nous n’a de carte, et on doit trouver notre trajet sur le dépliant publicitaire du loueur ! Après deux heures de route, on parvient quand même au Morne, et bénéficiant de la superbe ligne de la Mercedes, nous avons récupérer entre temps de jeunes filles françaises en voyage à Maurice ! Quel succès cette voiture ! Elles nous montreront la plage puis regagneront leur hôtel. Le bain de mer est splendide, éclairé par les lueurs du soleil couchant. La plage est presque déserte, l’eau à 28°C, le temps radieux. Cette expédition polaire démarre décidément très bien ! 

  Plage du Grand Morne
 Aussi
 Encore
 Toujours
Aussi
 Les petits kékés... (Sylvain à gauche, Thomas au centre)

Après quelques photos autour de la voiture au milieu des cocotiers pour fanfaronner auprès des collègues, nous partons à la recherche d’une terrasse d’un hôtel pour l’apéro ! Nous arrivons ainsi dans un immense hôtel luxueux ceinturé par de grandes piscines, circulaires, surmontées de pontons de bois, animées de courants artificiels ! Nous nous retrouvons au bar de l’hôtel où l’on nous sert des cocktails de fruits frais, sans rien nous demander (ni note ni numéro de chambre,…). Assis dans de profonds canapés autour des piscines nous savourons ce moment de luxe et de douceur, à l’œil ! Et retrouvons les auto-stoppeuses ! Nous sommes dans leur hôtel ! Elles rigolent bien de nous découvrir sirotant nonchalamment nos cocktails gratuits ! Petite soirée très sympa où elles nous inviteront même au buffet de l’hôtel, savoureux ! Quelques heures plus tard, nous remonterons à bord avec l’impression d’avoir vécu une parenthèse très étonnante lorsqu’on a embarqué pour une aventure polaire !

 Sur le quai, à Port-Louis.

 Nous avons ensuite quitté le port mauricien vendredi à 13 heures et longé les côtés jusqu’à repasser au large du Morne en fin d’après-midi. La houle commence ainsi à s’installer, les consultants à défiler, les placards de la pharmacie à se vider progressivement. En effet, les gens à l’oreille interne sensible sont déjà malades sur une mer pourtant assez calme ; leur amarinage devra durer 1 à 4 jours pendant lesquels on ne va plus beaucoup les revoir ! 

A bord, l’ambiance est très calme, le navire est loin d’être rempli ! Il y a surtout des contractuels réunionnais qui vont  remplacer leurs collègues ouvriers sur les districts pour la période d’hivernage. On trouve aussi une dizaine de touristes, surtout des métropolitains, retraités dynamiques, amoureux de voyages et de destinations inhabituelles, pour ne pas dire exotiques ! Il y a à peine une dizaine de scientifiques, surtout des sismologues. La moyenne d’âge est plus élevée que lors de mes rotations précédentes. Il n’y a pas de VIP à bord comme en janvier. Tout est plus tranquille et plus simple ! Pas de ronds de jambes nécessaires à l’horizon, pas non plus de soirée disco jusqu’à 4h du mat’ ! Ça tombe plutôt pas mal car j’ai embarqué plein de chouettes bouquins, plein d’émissions de radio et aussi des cours à travailler,… et de quoi faire des montages vidéo !
Je profite donc pleinement de ce temps libre car je suis maintenant un peu plus rôdé avec la gestion de l’hôpital de bord, donc plus efficace et aussi plus disponible ! Les différents petits aménagements que j’avais pu faire pour améliorer le fonctionnement du cabinet médical me servent bien maintenant, la logistique est facilitée et m’accapare moins ! C’est aussi très agréable de mieux connaître l’équipage qui a peu changé depuis OP3 et OP4 (en fait ils ont pris leurs vacances entre OP4 et OP1 puis sont revenus à bord en même temps que moi). Il flotte dans les coursives une impression familière voire  familiale ! 

Nous devrions arriver à Crozet mercredi 21 mars en fin de matinée. La météo est clémente, le ciel dégagé, la houle faible et régulière. Nous sommes aidés par un vent arrière établi pour au moins 3 jours, et avançons à un bon 14,5 Nds. 

J’espère que vous vous portez bien ! Prenez soin de vous !