Hier soir, en sortant de table,
les gens se sont attardés au bar plus que d’habitude. Oui, oui, on a nos
habitudes à bord ! Et depuis le premier jour d’embarquement ou presque. Oui,
car chacun, en effet, semble s’attacher à se trouver de nouveaux repères à
bord. Le temps qui passe ici n’a pas tout à fait le même qu’ailleurs. Il paraît
plus palpable, plus net. Les jours se suivent de façon assez monotone en
particulier pendant les transits, où aucune escale ne vient chambouler cet
ordonnancement pachydermique. Et en l’absence de ces étapes, de ces arrêts, il
y a bien peu de perturbations. C’est un enchaînement linéaire des jours qui
rythme un système très simplifié : un seul endroit où aller, le bateau, un
seul groupe de personnes à côtoyer, les gens à bord, quasi aucune influence du
monde extérieur, avec un seul accès aux actualités (une fois par jour, via un
bulletin d’information de presse internationale), aucune modification dans le
déroulement des journées (moments de travail, de repas, de détente ou de sport
organisés toujours de la même façon). Bref, une succession ordonnée de moments,
voilà une journée, une succession sage de journées fait une semaine. Alors le
temps parait à la fois plus palpable, plus lent et moins marquant car monotone.
Cette sensation du temps qui glisse mollement comme de la mélasse peut être parfois
assez perturbante. Les rituels permettent alors de planter des repères dans cette
matière épaisse. Le samedi soir est donc un de ces repères en plus d’être une
très bonne occas’ de se marrer.
D’ailleurs, ce samedi c’est
l’anniversaire du commandant ! Ou comment un bateau d’expédition, qui se
trouve encore bien loin de la première terre, peut devenir une bonne vieille
boite de nuit ! On sent l’ambiance qui change progressivement, les
discussions s’élèvent, les rires résonnent, Emilien, le barman est interpellé à
chaque instant, les glaçons tintent, les commandes de vodka-martini, cognac,
armagnac fusent, les enceintes vibrent. On branche les projecteurs sur la piste
de danse. Et finalement, notre petite troupe, perdue dans l’immensité de
l’océan, vit une soirée qui pourrait avoir lieu n’importe où. Car la recette est
simple : des gens, de la musique, de l’alcool (!), et roule ma
poule !
Le DJ du soir tâtonnant un peu,
je lui propose un coup de main. J’ai avec moi une petite compil des morceaux
sur lesquels nous avons le plus dansé pendant les soirées dans les internats de
Bretagne (merci Charlotte), et le résultat est immédiat : la piste se
remplit instantanément, les morceaux s’enchainent au poil…Pendant quelques
instants, je ne sais plus trop si je suis toujours sur le Marion ou déjà rentré
à Rennes…si les silhouettes qui s’agitent sont Roland, Charlotte, Lulu, Emilie,
Anne, Pauline et Louis… ou si ce sont encore des hivernants des bases …
Sensation bizarre. Un petit tour sur le pont, au cœur de la nuit noire,
m’enlève ce doute fugace…L’air marin et le bruit des vagues pourraient pourtant
prolonger l’incertitude d’une Bretagne toute proche…Mais malgré tout, aucune
hésitation, c’est bien le pont du Marion sous mes pieds, l’air de l’Océan
Indien sur mes joues, le garde-corps de la coupée sous mes doigts…
To be continued !
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