dimanche 30 septembre 2012

OP2 EP2 A l’assaut des vagues



 Eclats de rires au pont E, entre les tables de la salle à manger (hier matin) : le roulis est plus que costaud et envoie valser les plateaux des courageux passagers encore assez vaillants pour envisager un petit déjeuner. Martine s’est en effet renversé son bol de lait sur le pantalon, Cédric a la moitié de ses corn flakes sur les chaussures, Guillaume mange debout, Sophie s’accroche des deux mains à sa table et tente d’y rester, José est en train de s’éloigner doucement de son bol, toujours assis sur sa chaise, celle-ci s’engage dans la pente créée quelques instant par un bon coup de roulis et se dirige ainsi vers la table voisine, sous l’œil inquiet de ses commensaux. Bref, c’est la grosse poilade devant ce tableau inattendu de repas acrobatique. Jean-Charles, le maître d’hôtel, ne le voit pas du même œil et pense plutôt au bazar qu’il va falloir nettoyer, ranger, essuyer… On est obligé de faire une croix sur les tartines car étaler le beurre accapare les deux mains et mettrait gravement en danger le bo let le verre de jus d’oranges.





 J’essaye de passer entre les gouttes (…) pour finir mon repas et file ensuite en cuisine pour donner un coup de main à Yvan le chef cuistot. Je suis en effet dans une phase « desserts » et me prote volontaire pour y participer : hier, tartes aux pommes, aujourd’hui ramequins au citron meringué (à chaque fois pour 120 personnes bien sûr !) : j’ai donc droit à des petits cours particuliers pour apprendre à faire une super mousse au citron (et au passage s’envoyer 45 citrons à peler pour le zeste puis à presser à la main), monter 50 blancs en neige, manier la douille (aucun jeu de mots), jouer avec le chalumeau pour brunir la meringue…Le tout en essayant de ne pas déraper dans la cuisine quand il y a 25-30° de gîte ni laisser voler les ingrédients, ustensiles, plats…pas simple ! Enfin, on s’en sort à peu près grâce aux trucs et astuces des cuistots malgaches, rois dans l’art de préparer des petits plats en s’équilibrant sur une jambe, en rattrapant les légumes du bout des doigts, tout en sifflotant gaiement…pour eux c’est le quotidien ! Je sui d’ailleurs sidéré de voir les couteaux affûtés qui émincent, pèlent, tranchent, très vite et sans faute, alors que pour nous, passagers, c’est déjà périlleux d’avancer juste de quelques pas.


Les desserts terminés et les visites à « domicile » effectuées pour les passagers les plus malades, je grimpe à la passerelle pour le petit rituel du matin : papotage avec l’officier de quart, consultation de la météo, des nouvelles du monde, un petit point sur notre route, les prévisions de navigation…J’apprends alors que 2 obstacles se trouveraient sur notre route : 1/ un bateau « pirate » pêchant illégalement dans les eaux territoriales des Taaf, hoho, et 2/ un iceberg qui dériverait au nord de l’archipel de Crozet, héhé ! On va donc surveiller ces 2 éléments. Peut-être faudra-t-il aller contrôler le bateau, faire de la photo-identification et dresser un PV pour ces marins peu scrupuleux. Et verrons-nous pour de vrai un iceberg, flottant seul au milieu de l’océan, dérivant depuis des jours et des semaines, craquant de toutes parts, et offrant ses reflets bleutés aux regards incrédules des passagers ? Encore un peu tôt pour le dire car la trace sur le radar n’est pas très précise (artéfact ?). On verra aux abords de l’île de La Possession. 



Grande nouveauté du jour également : la présence des oiseaux ! Ça y est, nous sommes assez proches de la prochaine terre et certains oiseaux peuvent s’aventurer jusqu’à nous. Nous avons aussi passé la zone de convergence des eaux froides du Sud et chaudes du Nord et cet endroit est alors très poissonneux, attirant donc certains prédateurs. Le ballet aérien peut donc débuter et on ne se lasse pas d’observer ces immenses oiseaux jouer avec la houle, le bateau, les petits courants d’air au ras de la crête des vagues. Ils semblent suivre le navire comme d’insouciants accompagnateurs, avançant sans effort et sans bruit, ne battant jamais des ailes. C’est vraiment fascinant. 

On se prépare aussi à notre escale à Crozet : dès demain matin, commencera le bal des hélicos, la mise à l’eau de la portière (radeau), le débarquement du fret, l’acheminement du gasoil…Bref, l’effervescence d’une OP se concentre vraiment dans ces moments-là : réunion dès ce matin pour régler les derniers détails logistiques, présentation de Crozet aux touristes, passage obligé pour tout le monde à l’aspiration (vêtements, chaussures, valises) afin d’empêcher l’introduction de toute espèce invasive (graines, spores…), préparation de l’équipement adapté au froid et au vent violent de cet archipel. On planifie aussi la rotation de l’hélico et choisit quels passagers iront à terre (en plus des militaires qui viennent relever leurs collègues) : je demande ainsi à Patrice de faire une place pour une des passagère, malade depuis 5 jours et confinée dans sa cabine. Elle pourra ainsi se dégourdir les jambes, s’aérer, et profiter de quelques heures de répit sans roulis ni tangage ! De mon côté, j’organise les différents cartons à destination de l’hôpital de Crozet et contrôle une dernière fois que toutes les différentes commandes sont prêtes, que rien ne restera à bord par erreur car notre prochain passage à Crozet attendra 2 mois et demi.




Hier soir et cette nuit, la mer s’est calmée et nous accorde un peu de calme ; on peut marcher à nouveau dans les coursives sans s’agripper partout, travailler sur un ordinateur, lire plus tranquillement, déjeuner en restant propre… et dormir la nuit sans être projeté d’un bout à l’autre de sa bannette ! Je vais d’ailleurs filer car il est midi douze…et la ponctualité c’est dans 3 minutes !
Bises (fraîches, il fait ici 8° et la mer est à 7).

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