jeudi 19 janvier 2012

Dimanche 15 Janvier : aLOR'QUE l'on ne les attendait plus

  
Départ de la Réunion, Samedi 31 décembre
Une bataille d'eau géante a lieu au bout de la coupée...
Départ de la Réunion le 31 d&cembre.
Au port de la Réunion avant OP4.
Pareil.
Séance de coiffure.

Nous avons vécu un très beau samedi, par ici, dans notre coin d’océan indien. Nous mouillions (difficile à dire si on veut prononcer toutes les lettres !) devant la base d’Amsterdam durant cette journée. Le bateau presque vide, j’en profitais pour terminer certaines tâches laissées en souffrance à l’hôpital : finir d’installer le Réflotron, cet appareil permettant des analyses biologiques express et qui nous avait déjà posé des soucis lors d’OP3 (odeur de brûlé peu encourageante, pas de procédure d’allumage, remise hors tension automatique…). Cette fois-ci, il démarre correctement après une réparation rapide à l’hôpital de St Pierre ; cependant, il n’accepte aucune nouvelle analyse biologique car une bandelette semble coincée dans son antre…Après une matinée de bricolage, je comprends qu’il s’agit d’un mauvais contact du système de détection au sein du module d’accueil des nouveaux échantillons sanguins. Et grâce à une petite astuce mécanique, revoilà l’appareil qui affiche un enthousiasmant « checking en cours » puis un très intéressant « prêt pour nouvelle analyse, insérer bandelette» ! Me voilà donc en train de me faire une auto-ponction veineuse pour teste cette nouvelle machine ! Le plus dur est d’installer seul le garrot…Enfin, après tous ces efforts, je suis très heureux de constater que je présente une biologie sanguine conforme à la normale (Amylase, glycémie, urée, ASAT, ALAT, BILI, Hémoglobine, CREAT, Acide urique et même GGT… ! et j’en passe) ! Encore un peu de rangement, la création d’une fiche d’aide à l’utilisation de l’automate pour mes successeurs (bientôt une mission océanographique avec un nouveau médecin à bord), la préparation des commandes pour ravitailler l’hôpital de bord et les districts…Je me lance aussi dans la rédaction de mon compte rendu d’activité médicale et retrouve avec émotion le tableur Excel, les colonnes de chiffres, les statistiques, diagrammes et camemberts…Sensation étrange de retour en arrière, lorsque je préparais ma thèse juste avant de décoller pour les TAAF…
Bref je ne vois pas vraiment le temps passer quand j’entends ce message un peu fou diffusé par les haut-parleurs du bord : »Orques visibles depuis le pont arrière bâbord. » Incroyable ! Je grimpe 4 à 4 les marches qui me séparent du pont E et de l’accès à la coupée puis au pont arrière. La moitié des passagers du bateau, tous revenus d’Amsterdam quelques minutes auparavant et sans que j’y prête attention, est réunie et profite du spectacle ! Certains ont grimpé sur la DZ, d’autres se sont hissés sur des tas de cordes, sur la manche à gasoil, sur des casiers de pêche, qui encombrent le pont arrière ! Les jumelles sont brandies, les appareils photos frétillent : à une 20aine de mètres du bateau, un groupe d’orques  fait un festin, surveillé de près par une foule d’oiseaux, attentifs aux moindres reliefs de leur repas ! Pendant une demi-heure nous verrons un ballet magnifique d’orques faisant surface prêt du bateau, nous montrant leurs immenses nageoires dorsales et leurs singulières taches blanches. Ce spectacle unique, celui de la nature dans son aspect le plus sauvage, le mieux préservé, est vraiment saisissant ; on voit ainsi avec émotion ces animaux étonnants, puissants, véloces, agiles, gracieux…malgré leur gabarit si imposant. Les orques forment un vrai groupe social aux règles bien établies, où l’entraide et la discipline sont fortes, où l’apprentissage et les jeux ont une place centrale, transmis toujours par la matriarche, véritable chef de clan.
Immédiatement après ce moment magique, le commandant nous annonce l’appareillage du Marion, et nous indique son cap : Entrecasteaux ! Ces 4 syllabes évoquent pour tous les gens à bord la promesse d’un autre spectacle splendide ! Car Entrecasteaux est le nom donné aux immenses falaises qui bordent la partie Sud de l’île. Hautes de près de 700 mètres, elles abritent de grandes colonies d’oiseaux et sont bordées par des plages où la vie foisonne : otaries, albatros, skuas, pétrels, poissons volants, orques, éléphants de mer…Tout ça sous la lumière douce et chaude du soleil descendant de cette fin de journée radieuse !
Pour alimenter encore un peu plus l’ambiance à bord, déjà excellente, les marins nous montrent le résultat de leur pêche ! Plus de 50 kg de poissons et presque autant de grosses langoustes dodues ! Les prochains repas seront sans doute excellents !
Nous remontons donc à présent tout droit vers La Réunion, le thermomètre monte en flèche, les tenues se raccourcissent ; les rotations sont un incessant yoyo climatique, où l’on passe en quelques jours de la chaleur tropicale à la fraicheur australe pour retourner dans la fournaise réunionnaise ! J’ai donc droit aussi à une ribambelle de rhumes, angines, sinusites, bronchites…le corps a du mal à suivre la marche accélérée des saisons et le changement permanent de latitude !
L’ambiance à bord  a encore changé ; nous sommes à présent 65 passagers + 47 membres d’équipage soit 112 zozos à bord : la logistique est à présent plus complexe, nécessitant deux services aux repas, rendant les coursives, le bar, la passerelle, animés en permanence ! Certains hivernants semblent encore accrochés à leur île, l’air absent, rêveur, l’esprit occupé par les souvenirs de leur séjour austral ; ils errent sur le pont, comme des âmes en peine, comme autant d’habitants singuliers, arrachés à leurs terres.
J’ai fini avec délice les aventures à Kerguelen de Raymond Railler du Baty et me penche maintenant sur la vie dans les bois d’henry david thoreau, livre très prometteur !
Bises du bout de l’océan,
Martin.

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