vendredi 20 avril 2012

OP1 EP3 Quand les sirènes ont des plumes.



Prêt à décoller ! DZ du bateau, pont arrière

Le Bollart, CROZET


Grand albatros

Le Bollart


La grande manchotière, CROZET

4 individus : 3 éléphants de mer et un membre de l'IGN...saurez vous les retrouver ?

 Grande manchotière

« Terre ! Terre ! ». La rumeur circule à toute allure à travers le bateau, des machines au pont I, de la passerelle aux cuisines…elle arrive jusqu’à moi, dans un souffle d’excitation collective. Après une volée de marche, me voici à la timonerie pour découvrir le spectacle bien réel de l’archipel de Crozet qui enfin se dévoile. Après 5 jours complets de navigation très toniques, la récompense est à la hauteur de la force des vagues qui nous ballotaient depuis 2 jours ! Grandiose…En effet, pour la première fois, je découvre les côtes de l’île de La Possession sous un soleil froid mais vaillant, sans nuage, et entourée d’une mer turquoise, houleuse, blanchie par les crêtes des vagues qui déferlent sous l’action d’un vent soutenu (40 à 50 Nds) ! Les passagers sont ébahis, figés par l’émerveillement d’une terre aussi sauvage, aussi isolée. Ces abords rocheux, vertigineux, plongent à pic dans l’océan. Les montagnes qu’on distingue au  loin sont plâtrées de neige et semblent se dresser comme les remparts d’une citadelle inviolable et ignorée des hommes. On a d’ailleurs peine à croire que ces terres soient habitées. Pourtant en regardant plus attentivement, la vie s’y déploie dans un foisonnement surprenant. Malgré un climat particulièrement hostile (température moyenne de 5°C en hiver, vents > 50 Nds habituellement, averses de neige fréquentes…), on peut distinguer des animaux tout autour de nous et sur les berges : albatros, skuas, pétrels, cormorans, manchots royaux (qui semblent fêter l’arrivée du bateau par de vraies chorégraphies à la proue du bateau, enchaînant les sauts et les virages rapides, s’arrêtant parfois pour faire la planche en agitant les ailerons comme s’ils nous saluaient), manchots papous, éléphants de mer, orques (très souvent vus à Crozet) ! On voit d’ailleurs aux jumelles d’immenses colonies de manchots sur les rares plages de Crozet, ainsi qu’une myriade de petites taches blanches venant éclaircir les falaises sombres, qui sont autant de nids d’albatros. Il est très rare de bénéficier de conditions météo aussi favorables à cette période à Crozet ! On se dit que ça valait le coup d’endurer tous ces coups de gîte, ces 2 nuits sans sommeil, animées par les bruits un peu menaçants de la coque du navire grinçant sous les coups des vagues !

Le bateau fait donc un premier passage par pointe basse, tout au nord de l’île, située à l’opposé de la base Alfred Faure. Une opération logistique doit en effet avoir lieu pour déposer dans un refuge des réserves de gaz et des matériaux de réparation. Ensuite, cap au sud, on longe la côte Est, profitant ainsi d’une enfilade de paysages étonnants : cap vertical, baie de la Hebé, cap de l’Antarès, baie américaine, et enfin la baie du Marin où se niche la base. Cette descente de l’île nous fait apercevoir une succession de petites criques, ourlées de parois rocheuses sombres et menaçantes, déchiquetées, parfois même surmontées de formations minérales feuilletées dessinant des crénelures, des mâchicoulis. On croirait même distinguer  des empilements rocheux faisant évoquer des vertèbres de dinosaures, bien alignées, comme si les monstres du Cétacée s’étaient éteints allongés sur la crête de ces montagnes. 

Grande manchotière

 Orques à Crozet

L’arrivée à la baie du Marin sera moins impressionnante car un épais brouillard nous masque alors un peu la vue. Il s’agit maintenant de débuter rapidement les premières rotations hélico pour les passagers qui iront dormir sur base. Pour les autres passagers , ça sera encore une nuit en mer, toujours agitée, à quelques centaines de mètres seulement de la base, qui parait si accueillante dans son halo lumineux au cœur de la nuit noire et glacée.
Le lendemain (hier), le reste des passagers grimpe dans l’hélico, vaillant malgré 45 Nds de vent, pour enfin rejoindre l’île. J’ai alors quelques minutes pour étreindre Philippe, le BibCro et discuter avec lui de certains problèmes logistiques. L’entrevue est toujours trop brève, et je laisse Philippe et sa splendide barbe rousse (3 mois de pousse !), pour aller le remplacer sur la base où il faut toujours un médecin (comme sur le Marion). Arrivée sur la DZ et accolades avec les hivernants que je connais déjà (car la plupart sont venus lors d’OP3 ou OP4), on prend des nouvelles, on se montre des photos…mais très vite les impératifs du boulot reprennent pour chacun : réception des marchandises héliportées sur la DZ, accueil des nouveaux hivernants ou des touristes, préparation du buffet pantagruélique, dépotage des caisses…tout ça au milieu des bourrasques (jusqu’à 66 Nds hier) et de la pluie qui cingle le visage ! Je me réfugie dans l’hôpital, douillet et bien chauffé, équipé, comme les autres bâtiments, d’un petit sas d’entrée pour enlever les bottes et grosses vestes de pluie et glisser dans des chassons confortables ! Quelques minutes pour aller sur internet et aller examiner les différents problèmes soulevés par Philippe et je file à l’apéro ! Moment toujours très convivial et animé avec 70 personnes qui se tiennent chaud dans le bâtiment VieCom (pour vie commune). On passe ensuite au buffet, toujours hallucinant : saumon, carpaccio de légines, jambon fumé, fromages à gogo, vin rouge, et farandoles de dessert ! Je ne dois cependant pas trop m’attarder car il faut ensuite aller faire le tour du réseau de distribution d’eau afin de réaliser des prélèvements pour analyser la potabilité au laboratoire de St Denis.
Je me fais accompagner de Bruno, le technicien Chaud-Froid à travers les bâtiments de la base, et au cœur de la tempête car le vent et la pluie ont encore forci ! Après 50 mètres à pied, nous sommes trempés comme après un bain tout habillé !
Une fois ma mission effectuée, je retrouve un petit groupe de copain (Sylvain et Alizée de la RésNat, Thomas, de l’IGN) pour tenter une sortie jusqu’à la manchotière : on s’équipe en conséquence : surpantalon de pluie, bottes, veste gore tex, bonnets, gants, talkie-walkie, masque de ski pour certains ! Il faut lutter contre le vent, face à nous, et chaque pas est un effort important pour ne pas reculer ; le vent forcit encore et je dois rebrousser chemin car je n’arrive même plus à entendre mon Talkie et dois pourtant être disponible en cas d’accident sur base (risques liés au déchargement des caisses, à la mise en place de relais télécom…). Je laisse donc mes 3 compagnons à leur aventure et retourne à l’hôpital de la base.
La rumeur y circule qu’un retour en hélico semble impossible et que la mer, agitée, ne permettrait pas non plus de retourner sur le Marion pour la nuit ! Le DisCro commence à mobiliser ses troupes pour organiser un campement de fortune pour 25 personnes inattendues, dont la moyenne d’âge frise les 60 ans (il s’agit essentiellement des touristes, qui sont quasi tous des retraités sur cette OP). Le problème des traitements médicamenteux de ces gens se pose aussi car ils ne les ont pas pris pensant revenir au bateau… On commence à réfléchir à tous ces petits problèmes sérieusement car il est déjà 17 h et le soleil décline rapidement restreignant encore les possibilités de retour ! 30 minutes passent encore nous obligeant alors à nous résigner à une nuit sur base, quand enfin les nuages se dissipent, laissant même apercevoir le soleil ; simultanément le vent faiblit et on entend alors les radios cracher «pour la base… du Marion Dufresne… on ressort l’hélico…tout le monde prêt sur la DZ dans 10 min ». Branle-bas de combat, tout le monde enfile à nouveau tout son équipement, lourd d’humidité, rassemble ses affaires et se dirige en vitesse vers la DZ. Les rotations hélico s’enchaînent alors très vite, permettant de ramener les 25 personnes et quelques sur le bateau en 15 minutes à peine, juste au moment où le soleil disparaît à l’horizon ! Ouf,…personne n’a été oublié ! On a juste le temps pour une petite douche et c’est l’heure du dîner ! Belle synchronisation.

Aujourd’hui, je reste à bord et profite d’une grande journée très tranquille, sur un bateau presque vide, mais où ma présence est pourtant obligatoire (opérations de déchargement toujours risquées).
Je savoure le point de vue sur l’île, depuis ma cabine. J’ai d’ailleurs, enfin, réussi à dévisser la fenêtre de mes hublots et profite de l’air frais de ce matin ensoleillé pour me réveiller et aérer ma cabine.
Sous mes yeux, c’est le spectacle permanent des manchots qui font des ronds dans l’eau à toute vitesse, des sauts, des accélérations, et sortent parfois la tête de l’eau pour observer tout autour d’eux ! Plus au large, l’île de La Possession est éclairée par un beau soleil d’automne, soulignant ses reliefs tourmentés, ses plateaux herbeux, ses plages de rochers noirs, ses falaises claires et ses cascades !

Ah ! J’entends déjà l’appel du cuisinier, il doit être 12h15.
La bise,

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