Prêt à décoller ! DZ du bateau, pont arrière
Le Bollart, CROZET
Grand albatros
Le Bollart
La grande manchotière, CROZET
4 individus : 3 éléphants de mer et un membre de l'IGN...saurez vous les retrouver ?
Grande manchotière
« Terre ! Terre ! ». La rumeur circule à
toute allure à travers le bateau, des machines au pont I, de la passerelle aux
cuisines…elle arrive jusqu’à moi, dans un souffle d’excitation collective.
Après une volée de marche, me voici à la timonerie pour découvrir le spectacle
bien réel de l’archipel de Crozet qui enfin se dévoile. Après 5 jours complets
de navigation très toniques, la récompense est à la hauteur de la force des
vagues qui nous ballotaient depuis 2 jours ! Grandiose…En effet, pour la
première fois, je découvre les côtes de l’île de La Possession sous un soleil
froid mais vaillant, sans nuage, et entourée d’une mer turquoise, houleuse,
blanchie par les crêtes des vagues qui déferlent sous l’action d’un vent
soutenu (40 à 50 Nds) ! Les passagers sont ébahis, figés par
l’émerveillement d’une terre aussi sauvage, aussi isolée. Ces abords rocheux,
vertigineux, plongent à pic dans l’océan. Les montagnes qu’on distingue au loin sont plâtrées de neige et semblent se
dresser comme les remparts d’une citadelle inviolable et ignorée des hommes. On
a d’ailleurs peine à croire que ces terres soient habitées. Pourtant en
regardant plus attentivement, la vie s’y déploie dans un foisonnement
surprenant. Malgré un climat particulièrement hostile (température moyenne de 5°C
en hiver, vents > 50 Nds habituellement, averses de neige fréquentes…), on
peut distinguer des animaux tout autour de nous et sur les berges :
albatros, skuas, pétrels, cormorans, manchots royaux (qui semblent fêter l’arrivée
du bateau par de vraies chorégraphies à la proue du bateau, enchaînant les
sauts et les virages rapides, s’arrêtant parfois pour faire la planche en
agitant les ailerons comme s’ils nous saluaient), manchots papous, éléphants de
mer, orques (très souvent vus à Crozet) ! On voit d’ailleurs aux jumelles
d’immenses colonies de manchots sur les rares plages de Crozet, ainsi qu’une
myriade de petites taches blanches venant éclaircir les falaises sombres, qui
sont autant de nids d’albatros. Il est très rare de bénéficier de conditions
météo aussi favorables à cette période à Crozet ! On se dit que ça valait
le coup d’endurer tous ces coups de gîte, ces 2 nuits sans sommeil, animées par
les bruits un peu menaçants de la coque du navire grinçant sous les coups des
vagues !
Le bateau fait donc un premier passage par pointe basse,
tout au nord de l’île, située à l’opposé de la base Alfred Faure. Une opération
logistique doit en effet avoir lieu pour déposer dans un refuge des réserves de
gaz et des matériaux de réparation. Ensuite, cap au sud, on longe la côte Est, profitant
ainsi d’une enfilade de paysages étonnants : cap vertical, baie de la
Hebé, cap de l’Antarès, baie américaine, et enfin la baie du Marin où se niche
la base. Cette descente de l’île nous fait apercevoir une succession de petites
criques, ourlées de parois rocheuses sombres et menaçantes, déchiquetées,
parfois même surmontées de formations minérales feuilletées dessinant des
crénelures, des mâchicoulis. On croirait même distinguer des empilements rocheux faisant évoquer des
vertèbres de dinosaures, bien alignées, comme si les monstres du Cétacée
s’étaient éteints allongés sur la crête de ces montagnes.
Grande manchotière
Orques à Crozet
L’arrivée à la baie du Marin sera moins impressionnante car un
épais brouillard nous masque alors un peu la vue. Il s’agit maintenant de
débuter rapidement les premières rotations hélico pour les passagers qui iront
dormir sur base. Pour les autres passagers , ça sera encore une nuit en mer,
toujours agitée, à quelques centaines de mètres seulement de la base, qui
parait si accueillante dans son halo lumineux au cœur de la nuit noire et
glacée.
Le lendemain (hier), le reste des passagers grimpe dans
l’hélico, vaillant malgré 45 Nds de vent, pour enfin rejoindre l’île. J’ai
alors quelques minutes pour étreindre Philippe, le BibCro et discuter avec lui
de certains problèmes logistiques. L’entrevue est toujours trop brève, et je
laisse Philippe et sa splendide barbe rousse (3 mois de pousse !), pour
aller le remplacer sur la base où il faut toujours un médecin (comme sur le
Marion). Arrivée sur la DZ et accolades avec les hivernants que je connais déjà
(car la plupart sont venus lors d’OP3 ou OP4), on prend des nouvelles, on se
montre des photos…mais très vite les impératifs du boulot reprennent pour
chacun : réception des marchandises héliportées sur la DZ, accueil des
nouveaux hivernants ou des touristes, préparation du buffet pantagruélique,
dépotage des caisses…tout ça au milieu des bourrasques (jusqu’à 66 Nds hier) et
de la pluie qui cingle le visage ! Je me réfugie dans l’hôpital, douillet
et bien chauffé, équipé, comme les autres bâtiments, d’un petit sas d’entrée
pour enlever les bottes et grosses vestes de pluie et glisser dans des chassons
confortables ! Quelques minutes pour aller sur internet et aller examiner
les différents problèmes soulevés par Philippe et je file à l’apéro ! Moment
toujours très convivial et animé avec 70 personnes qui se tiennent chaud dans
le bâtiment VieCom (pour vie commune). On passe ensuite au buffet, toujours
hallucinant : saumon, carpaccio de légines, jambon fumé, fromages à gogo,
vin rouge, et farandoles de dessert ! Je ne dois cependant pas trop
m’attarder car il faut ensuite aller faire le tour du réseau de distribution d’eau
afin de réaliser des prélèvements pour analyser la potabilité au laboratoire de
St Denis.
Je me fais accompagner de Bruno, le technicien Chaud-Froid à
travers les bâtiments de la base, et au cœur de la tempête car le vent et la
pluie ont encore forci ! Après 50 mètres à pied, nous sommes trempés comme
après un bain tout habillé !
Une fois ma mission effectuée, je retrouve un petit groupe
de copain (Sylvain et Alizée de la RésNat, Thomas, de l’IGN) pour tenter une
sortie jusqu’à la manchotière : on s’équipe en conséquence :
surpantalon de pluie, bottes, veste gore tex, bonnets, gants, talkie-walkie,
masque de ski pour certains ! Il faut lutter contre le vent, face à nous,
et chaque pas est un effort important pour ne pas reculer ; le vent forcit
encore et je dois rebrousser chemin car je n’arrive même plus à entendre mon
Talkie et dois pourtant être disponible en cas d’accident sur base (risques
liés au déchargement des caisses, à la mise en place de relais télécom…). Je
laisse donc mes 3 compagnons à leur aventure et retourne à l’hôpital de la
base.
La rumeur y circule qu’un retour en hélico semble impossible
et que la mer, agitée, ne permettrait pas non plus de retourner sur le Marion
pour la nuit ! Le DisCro commence à mobiliser ses troupes pour organiser
un campement de fortune pour 25 personnes inattendues, dont la moyenne d’âge
frise les 60 ans (il s’agit essentiellement des touristes, qui sont quasi tous
des retraités sur cette OP). Le problème des traitements médicamenteux de ces
gens se pose aussi car ils ne les ont pas pris pensant revenir au bateau… On
commence à réfléchir à tous ces petits problèmes sérieusement car il est déjà
17 h et le soleil décline rapidement restreignant encore les possibilités de
retour ! 30 minutes passent encore nous obligeant alors à nous résigner à
une nuit sur base, quand enfin les nuages se dissipent, laissant même
apercevoir le soleil ; simultanément le vent faiblit et on entend alors
les radios cracher «pour la base… du Marion Dufresne… on ressort l’hélico…tout
le monde prêt sur la DZ dans 10 min ». Branle-bas de combat, tout le monde
enfile à nouveau tout son équipement, lourd d’humidité, rassemble ses affaires
et se dirige en vitesse vers la DZ. Les rotations hélico s’enchaînent alors
très vite, permettant de ramener les 25 personnes et quelques sur le bateau en
15 minutes à peine, juste au moment où le soleil disparaît à l’horizon !
Ouf,…personne n’a été oublié ! On a juste le temps pour une petite douche
et c’est l’heure du dîner ! Belle synchronisation.
Aujourd’hui, je reste à bord et profite d’une grande journée
très tranquille, sur un bateau presque vide, mais où ma présence est pourtant
obligatoire (opérations de déchargement toujours risquées).
Je savoure le point de vue sur l’île, depuis ma cabine. J’ai
d’ailleurs, enfin, réussi à dévisser la fenêtre de mes hublots et profite de
l’air frais de ce matin ensoleillé pour me réveiller et aérer ma cabine.
Sous mes yeux, c’est le spectacle permanent des manchots qui
font des ronds dans l’eau à toute vitesse, des sauts, des accélérations, et
sortent parfois la tête de l’eau pour observer tout autour d’eux ! Plus au
large, l’île de La Possession est éclairée par un beau soleil d’automne,
soulignant ses reliefs tourmentés, ses plateaux herbeux, ses plages de rochers
noirs, ses falaises claires et ses cascades !
Ah ! J’entends déjà l’appel du cuisinier, il doit être
12h15.
La bise,
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