vendredi 30 décembre 2011

AUX ORIGINES DU MONDE vendredi 16 décembre


 Dédale de fjords dans le golfe du morbihan
 Anse du laboureur et son joli refuge
 En rando autour de Laboureur
 idem
 pareil
 encore
 un adorable piaf (Jean-Louis, quelques précisions peut-être?)

Mercredi matin : lever 6h30, on se frotte les yeux, la nuit a été un peu courte…On cherche à tâtons un sac à dos, assez grand et robuste pour trimballer un sacré bazar : 36 sandwichs pour ravitailler les 2 groupes de 9 personnes en vadrouille depuis la veille à travers Kerguelen, une trousse de secours, l’appareil photo, la crème solaire ( !! soleil ardent sur l’archipel), et le nécessaire pour 24h de bivouac ! Un solide petit-déjeuner puis on file sur la DZ attendre l’hélico qui va nous emmener dans un coin reculé de Kerguelen, île déjà reculée : imaginez alors le dépaysement ! Au bout d’un dédale de fjords, après 10 minutes de vol, nous voici au cœur d’un décor minéral incroyable : un entrelacs de petites mers intérieures, résurgences du golfe du Morbihan, qui progresse sur plusieurs 10aines de km dans les terres ! La végétation est assez rare, sans arbres, seulement des lichens et des mousses multicolores, du rouge foncé au vermeil en passant par toutes les teintes de ver. Cette végétation rase mais dense recouvre une série de montagnes et de canyons, délimitant des vallées parfois inondées, par des torrents d’eau douce ou des bras de mer. Au creux de l’arrondi d’un lac, se trouve un petit chalet de bois, fraîchement repeint en rouge, qui nous abritera pour la nuit ; ses fenêtres donnent l’eau et ses fondations sont presque immergées, permettant d’incroyables pêches aux moules, presque sans bouger de la terrasse ! On en fera d’ailleurs un beau festin le soir même. Ce paysage naturel intact, paisible, n’est troublé que par quelques hurlements de goéland, en pleine période ponte, ou parfois par le cri étrange d’un gorfou sauteur, sorte de petit manchot rigolo, dont une colonie est installée à 3OO mètres du refuge.
2 rotations hélico et le groupe est au complet : Luc et Hélène, guides de la réserve naturel, encadrent 4 touristes : Paul et Henriette, un sympathique couple de retraités venus d’Angers, sur les traces de leur fiston, volontaires civils à Amsterdam il y a une 15aine d’années, qui viennent faire là un voyage-pèlerinage, qu’ils attendent depuis des années ; Gisèle, jeune retraitée d’Aix en provence, ancienne traductrice à l’ONU à New York, dynamique et enthousiaste, très avertie sur les questions de botanique et d’ornithologie ; et pour finir, Jacqueline, 82 ans, infirmière à la retraite, venue tout droit de Marseille et qui met à profit son temps libre pour crapahuter dans le monde entier. Joëlle (future BibAms) et moi assurons la médicalisation de ce petit groupe et en profitons pour découvrir ce bel endroit de Kerguelen, le lieu-dit « Laboureur ».
Nous passerons 24 h sur place. Une grande randonnée nous permet de cheminer à travers les vallées et montagnes environnantes, assez douces et absolument sauvages ; rien, en dehors du chalet, ne rappelle la présence humaine ; tout est fait pour y limiter au maximum son impact (déchets ramenés, pas d’électricité, vaisselle à l’eau des torrents, savon noir, pas de chauffage…) et laisser la nature s’y épanouir. L’île est donc un vrai sanctuaire, isolée, à plus de 2500 km d’un continent, ignorée des routes commerciales, protégée par son climat rigoureux. Cependant, nous avons la chance de nous balader sous le soleil, qui restera présent pendant toute l’escale kerguélénienne ! Nous occupons la fin d’après-midi à observer les gorfous sauteurs, qui se déplacent vraiment en sautant de pierre en pierre comme des petits kangourous à l’allure étrange, et noirs et blancs. On tente même un bain de mer, sans combinaison, le soleil étant presque ardent. Seule Joëlle y réussira ! En même temps, venant de Belgique, elle a été habituée à la mer du Nord !
Puis notre petite troupe se prépare à dîner, s’organisant gentiment, chacun se trouvant un petit rôle ; les moules locales sont délicieuses et accompagnées d’un Muscadet frais, le grand luxe quand on est à environ 14 000 km de la métropole. Suit un gigot d’agneau de Kerguelen, à la viande fondante et garantie bio ! On admire ensuite le coucher de soleil sur l’eau des fjords. Cet instant, d’ordinaire fugace, semble ici s’étirer infiniment, le soleil du grand sud se rapprochant très doucement de l’horizon ; il durera presque 2 h, se couchant enfin vers 21h30 pour se lever 6 h plus tard ! Direction le dortoir commun, où les ronflements de Paul font déjà trembler les fondations !! Après une courte nuit (lever à 4h45, arghh) c’est déjà l’heure de reprendre l’hélico pour retourner sur le Marion ! Le pilote nous gratifiera d’un mémorable slalom entre les piliers rocheux de cette enfilade de fjords, zigzagant dans ce décor irréel (la vidéo est terrible, genre star wars sur la planète  des créatures vivant dans les forêts).
Arrivés à bord, on découvre que le bateau accueille pour la journée une petite partie des hivernants de Ker, venus à bord 24 h pour se changer les idées ! J’aurai d’ailleurs ensuite le plaisir de discuter avec le plombier de la base, réunionnais voyageur, rompu au tourisme dans l’océan indien, qui m’expliquera les combines pour voyager 12 à 18 mois en Australie avec un visa mixte (tourisme et travail ; héhé, pas mal…note pour plus tard). L’après-midi, direction la timonerie pour une démonstration de navigation ! En effet, le commandant a pris les commandes pour manœuvrer le navire dans le dédale étroit de fjords qui nous conduira (vendredi matin) jusqu’à Port Jeanne d’Arc (prononcez PéJiDa). Cet endroit assez étonnant, est une ancienne usine baleinière, la seule qu’il n’y ait jamais eu sur le territoire français, qui a fonctionné entre 1908 et 1929 environ. C’était l’époque où deux frères de métropole, les Boissières, avaient obtenu 50 ans de concession sur St Paul et Ker. Après plusieurs projets industriels échoués, ils ont l’idée de créer une usine baleinière, fournissant de l’huile  aux villes récemment équipées de lampadaires…Ils sous-traitent cette activité auprès d’une entreprise scandinave qui viendra construire des usines, en kit (oui, oui, on a tous fait la blague Ikéa), permettant de raffiner la graisse des mammifères, fonctionnant 24h/24, y compris au cœur de l’hiver. Cette entreprise fera faillite après une 20aine d’années,  les ressources s’épuisant et l’électricité faisant son apparition. Il en reste maintenant les reliefs, restaurés à certains endroits, qui donnent au site une atmosphère un peu lugubre. On s’imagine facilement la rudesse des conditions de travail, l’hostilité du climat, et l’incroyable solitude que cette petite communauté d’hommes devait ressentir. Le paysage est toutefois dominé par la silhouette massive et bienveillante du Marion, qui semble nous rappeler à notre époque et nous offrir la garantie d’un nid douillet à portée d’hélicoptère…Ah,  le confort du monde moderne !  On se sent de bien pleutres aventuriers !
Encore une après-midi de manœuvres et d’opérations logistiques, et on récupère à bord une bonne 10aine d’hivernants de Ker, qui viennent de passer environ un an sur base. Parmi eux, JB et Yanis, les deux Bib (BibKer et Bibou, ce dernier étant un interne, occupant le poste de médecin adjoint).Yanis est un ancien copain de promo lyonnais, durant l’externat ! Je ne l’avais pas vu depuis 3 ans, mais on s’est reconnu immédiatement, la rencontre paraissant presque naturelle ! Puis c’est le départ de Ker, direction Ams ! Il faudra deux jours de navigation, direction plein Nord, pour rallier St Paul dans un premier temps, où nous déposerons une équipe de plongeurs scientifiques. En attendant, chacun raconte son expérience de Kerguelen. On met en commun nos émotions, nos surprises, nos trouvailles et nos photos. A la salle des machines, les moteurs chauffent, la vitesse de croisière est atteinte. La mer est calme, le soleil toujours vaillant, et c’est sous une lumière limpide que nous saluons Kerguelen ! Je la reverrai pour ma part dans moins de 3 semaines, OP4 débutant 48 h après le retour d’OP3 !
En attendant, je vous envoie quelques bises !
Portez-vous bien.
Martin, quelque part au sud de l’océan indien (j’ai oublié de passer à la timonerie pour le relevé GPS).

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